10-28-2020

Je quitte les habitations communautaires HCPII à Griffintown dans trois semaines. J’ai fait beaucoup de chemin ces cinq dernières années. Avant 2015, je n’aurais jamais même rêvé être là où je suis aujourd’hui; je n’aurais jamais cru pouvoir démêler tous mes problèmes et y trouver des solutions.

J’ai commencé à prendre de la drogue en 1997, quand j’avais 21 ans. Je me disais que je ne prendrais jamais rien de plus fort que du cannabis. M#rde! Que je me trompais! Je me suis laissé flotter au gré de la vie pendant 17 ans. En 2014, je me suis engagé dans une spirale descendante qui a duré plus d’un an. J’ai commencé à consommer des substances auxquelles je n’avais jamais touché auparavant : dépresseurs, stimulants, hallucinogènes. La méthamphétamine en cristaux (crystal meth) est devenue ma drogue de choix. En moins de dix mois, j’avais tout perdu et j’étais devenu un sans-abri. Je n’appartenais à rien ni à personne.

Je suis entré au Lac Écho le 27 avril 2015. J’étais terrifié. Je me suis dit que si je ne voyais pas d’énormes changements après 14 jours de traitement, je m’en irais. Chaque jour de ces deux semaines, j’ai voulu partir, mais je n’avais nulle part où aller, sauf la rue. Il me semblait que tout le personnel de Portage était FOU! C’était très difficile pour moi d’accepter la rétroaction du personnel et de ma communauté. Mais, après avoir passé quelque 30 jours chez Portage et 30 jours sans consommer pour la première fois en 18 ans, ma perception a commencé à changer. J’ai commencé à croire à ce que Portage prônait et, à partir de ce moment, c’est devenu plus facile de changer. Acquérir des outils thérapeutiques et apprendre à les utiliser, cela aide tellement à composer avec la vie au quotidien. Je me souviens d’un membre du personnel qui me demandait comment j’évaluerais ma compréhension et mon usage des 21 compétences. J’avais répondu, comme la plupart le font, « Très bien pour l’ensemble des 21 compétences » ! En fait, elles étaient toutes quasi inexistantes. J’ai vécu au Lac Écho pendant sept mois et six jours, jusqu’à mon départ le 3 décembre 2015.

Portage, Lac Echo

Je pensais avoir un excellent plan de sortie. Ce n’était pas le cas. J’ai assisté chaque semaine à des réunions postcure pendant plus de six mois après avoir terminé mon programme résidentiel. J’ai emménagé avec un autre résident que j’avais rencontré au Lac Écho. ERREUR MONUMENTALE!! Je me suis ensuite retrouvé dans une chambre à Montréal, entouré de voisins qui consommaient pour la plupart. Je me suis isolé dans cette chambre pendant près de six mois. Je savais que j’étais en difficulté. J’ai cessé d’aller aux réunions postcure, j’ai cessé de communiquer avec Portage et j’ai cessé de demander de l’AIDE! J’étais déprimé, j’étais suicidaire et je me disais que c’était pire d’être sobre que d’être un toxicomane actif.

Un jour de juillet 2016, j’ai eu la visite d’Antonio Maturo, un directeur de Portage que je connais personnellement depuis près de 25 ans. Il m’a ramené à la réalité et m’a fortement recommandé de contacter le personnel postcure et de demander d’être admis aux habitations communautaires HCPII. Et c’est exactement ce que j’ai fait. J’ai commencé à me sentir mieux parce que j’avais recommencé à m’occuper de moi-même. J’ai emménagé dans les HCPII le 11 octobre 2016. J’étais encore au point neutre, mais je me sentais en sécurité. Comme l’hébergement aux HCPII ne comportait aucune pression financière, j’ai pu m’employer à affronter d’importants déclencheurs de rechute liés à des problèmes d’ordres physique et mental que je n’avais pas surmontés durant mon programme résidentiel. L’usage des outils thérapeutiques m’a aidé à trouver des solutions permanentes à un problème digestif avec lequel je vivais depuis 12 ans et j’ai reçu un diagnostic de dépression clinique grave et de trouble d’anxiété généralisée qui me rendaient absolument misérable.

Prendre soin de ma santé m’a mené à une énorme prise de conscience: quand je prends soin de moi-même, je me sens bien, sûr de moi et motivé. J’ai donc continué dans la même voie. J’ai participé aux réunions postcure hebdomadaires (j’y participe encore cinq ans plus tard), j’ai commencé à assister à d’autres réunions et j’ai même animé une réunion de groupe pendant plus de cinq mois. Je n’avais jamais été aussi stable de toute ma vie. Je n’avais pas travaillé depuis quatre ans; je voulais retourner au travail et faire un travail que je pouvais AIMER!! Être malheureux dans sa vie professionnelle est un déclencheur de rechute important! Je le savais.

J’ai fait une demande d’admission à l’Université Sherbrooke et j’ai été admis à un programme d’études en toxicomanie. J’ai travaillé comme chauffeur de taxi 40 heures par semaine et fréquenté l’université 35 heures par semaine pendant 10 mois. C’était difficile, mais extrêmement gratifiant. J’ai réussi parce que j’avais fondé mon rétablissement sur une base très solide en demandant de l’aide et du soutien. Un jour, j’ai rencontré un membre du personnel de Portage au métro Vendôme et je lui ai parlé de tout ce qui se passait dans ma vie. « Le miracle s’est-il produit? », m’a-t-elle demandé. Je ne comprenais pas du tout sa question. Il m’a fallu environ une semaine d’introspection pour la comprendre. Le miracle c’était que j’étais sobre. Pas seulement abstinent, car j’avais atteint un véritable équilibre dans toutes les sphères de ma vie, et c’est ça la différence entre l’abstinence et la sobriété.

Habitations communautaires HCPII à Griffintown

Aujourd’hui, j’ai une formation universitaire et je travaille à temps plein pour le CIUSSS du Centre-Ouest de Montréal comme conseiller psychosocial auprès de personnes sans abri qui ont des problèmes d’abus de substances. Je gagne plus d’argent qu’il ne m’en faut pour vivre le style de vie que j’ai choisi. J’ai renoué avec ma famille, j’ai des amis positifs et un groupe de soutien. Plus encore, je suis véritablement heureux et la vie est belle!

Je tenais à écrire cette lettre pour m’exprimer avant de quitter les habitations communautaires. Malgré la crise de santé publique qui sévit et tous les obstacles qui en découlent, je sais que je suis rétabli et je voulais partager ce fait avec toute la communauté de Portage.

J’aimerais remercier en particulier Antonio Maturo, David Babin, Hakim Massoum, Mike Nickadimo, Sylvain Montpetit, George Stavronopolous, Cathy Deslauriers, Brian Douris, Jean Lamoureux, Jacques Beaudoin, Enzo Spagnolo, Denis Lalonde, Stéphanie Leduc, Pasquale Marano et Christine Nichilo.

Meilleures salutations à vous tous,

Jamie

Mai 2020

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