12-16-2020

Enfant, Mathis est un enfant turbulent, mais très attachant. Explorateur et rieur, un vrai rayon de Soleil avec beaucoup d’énergie. Il ne veut jamais aller dormir, il ne se dit jamais fatigué. Il se réveille à plusieurs reprises la nuit et ce durant des années pour ne pas dire jusqu’à ce qu’il soit médicamenté aujourd’hui. Pendant que nous dormons, lui se lève et fouille dans le garde-manger. Je me lève à chaque fois pour lui demander de retourner se coucher.

Mathis a maintenant 12 ans. C’est la nuit, je dors profondément lorsqu’on sonne à la porte. Complètement endormie je vais ouvrir, c’est la police qui me ramène Mathis. Il avait décidé de faire de la bicyclette avec un jeune de 16 ans. A partir de ce jour, j’ai cessé de dormir paisiblement.

Les nuits suivantes, j’allais voir dans sa chambre pour voir s’il dormait et je constatais qu’il avait moulé son lit pour imiter quelqu’un qui dort, mais lui n’était pas là. La colère m’avait envahie d’un coup, mais pourquoi me faisait-il vivre cela. J’étais si fatiguée. Je me suis mise à le chercher dehors et pour finalement le trouver dans la cour de l’école en face de la maison avec d’autres garçons plus vieux.

Mathis commence le secondaire. Il avait tellement hâte, mais cela tourne vite au cauchemar. Mathis fait de l’évitement scolaire. Il se sauve de l’école et se cache dans la maison quand on le croit parti. Au bout d’une année scolaire il est transféré dans une autre école dans un groupe de soutien émotif, car il n’arrive pas à s’adapter au régulier. Moi je n’en crois absolument rien.

Mathis a 14 ans, face à l’impuissance, j’ai lâché prise, une seule année, dans le seul et unique espoir de le voir grandir. Sa collaboration me faisait faux bond, je n’avais plus de prise. Je ne pouvais pas rester là, à le regarder saboter son avenir et à détruire l’harmonie qui avait jadis été entre nous. Je me suis avouée vaincue, j’ai rendu les armes, la solution était ailleurs. À vouloir le construire, j’étais en train de me détruire. Puisse-t-il n’avoir jamais penser que je l’ai abandonnée, car au contraire, j’essayais ce que je n’avais jamais envisagée. Malgré la déchirure criante que cela me procurait, je l’envoyais chez son papa, tout en priant pour qu’il s’épanouisse. Son père et sa conjointe avait donc pris le relais.

A 15 ans il revient en garde partagée, tel était son souhait. Tout s’est bien passé pendant quelques mois, jusqu’à ce que la consommation fasse son apparition. Les nombreux amis qui circulaient à la maison, mais qu’il en avait des supposés amis !!! Une seule chose les réunissait. Je vous laisse deviner quoi !! Chaque matin c’était la bataille pour l’envoyer à l’école et lorsqu’il y était, l’école nous demandait de venir le chercher.

A 16 ans, Il arrête l’école car il veut aller travailler. La recherche d’emplois est difficile et lorsqu’il trouve un travail cela ne dure pas.

Après plusieurs querelles avec son père, il vient habiter chez moi a temps plein. La lune de miel dure environ 6 mois; et jusqu’à ses 18 ans il a des haut et des bas, de vraies montagnes russes.

Un jeune adulte

Il a maintenant 18 ans, l’âge légal. Il vient de s’acheter une voiture après avoir travaillé tout l’été. Il est très content. Moi je pense que cela va lui donner des ailes et que cela va le propulser vers des objectifs, mais voilà que tout bascule. Il n’est plus arrêtable !! Il est maintenant majeur et il est fier de le dire.

La drogue prend à nouveau de plus en plus de place et voilà maintenant qu’il veut être président des États-Unis, coureur automobile ou encore un chanteur de rap, alors qu’il n’a jamais chanté. Il tient un discours pas très réaliste et moi je m’obstine avec lui à tous les soirs après ma journée de travail, pour lui faire entendre raison.

Je ne savais pas ce qui se passait et j’étais complètement découragée et dévastée de voir que j’étais incapable de me faire comprendre. J’avais l’impression de parler une autre langue. Je disais à son frère : explique-lui toi, tu vas peut-être réussir à lui faire entendre raison. Je me sentais très impuissante et très inquiète pour son avenir. En même temps j’étais en colère qu’il me fasse vivre ces émotions, j’en voulais donc à la terre entière.

Les yeux tout rouges, il nous regardait et riais alors que moi j’étais si inquiète pour lui. Les trips de bouffes la nuit qui nous réveillais moi et son frère. Il dort le jour et veille la nuit.

Pour faire l’histoire d’une vie, un bref résumé, après avoir voulu plus que lui, après avoir mis en place un paquet de solution pour l’aider, après avoir tout fait ce qu’il était de mon ressort de faire. J’ai pris la plus grande et pénible décision de ma vie : lui demander de partir. Encore là, j’ai mis en place et pris plusieurs précotions pour préserver sa sécurité.

La seule chose que je n’avais pas essayé était qu’il dépasse ses propres limites sans moi. Psychose, police, justice et j’en passe. Oh je n’étais pas très loin. Je n’ai jamais cessé d’être présente mais je l’ai laissée vivre les conséquences de ses actes.

Un Témoignage

Lorsqu’on m’a demandé de témoigner, j’ai dit oui spontanément. A ce moment-là, mon cœur était avec mon fils Mathis et vous parents des résidents de Portage. Je me suis dit que si partager ma douloureuse expérience pouvait aider et apporter de l’espoir a d’autres personnes, et bien ma souffrance et le vécu de mon fils n’aura pas été vain; car après tout, tous ici autant que nous sommes, jouons un rôle dans notre société.

Je voulais vous parler ouvertement de ce que j’ai vécu comme expérience pour que vous compreniez le chemin de ma douleur et surtout que vous preniez conscience que vous n’êtes pas seuls à vivre, ce que vous vivez. Certains ont des histoires un peu différentes mais le fond reste le même; Que cela soit du côté des résidents ou des parents des caractéristiques communes sont présentes.

Malheureusement dans notre société la santé mentale est taboue et la drogue (même si le pot est légal) la dépendance n’est pas quelque chose qu’on parle avec fierté. On ne peut pas en parler à n’importe qui, et si par chance on trouve une bonne oreille, la compréhension est loin d’être au rendez-vous. Le jugement est vite présent.

C’est dans ces moments-là, que la rencontre de Portage pour les parents joue un rôle incroyable; encore faut-il faire preuve d’humilité et saisir la main qui nous est tendue. Parents comme résidents un travail de compréhension est nécessaire si nous voulons les accompagner dans leur cheminement, car nous interagissons avec eux et souvent avons beaucoup d’attentes.

Parfois certains moments sont encore difficiles tout au long des différentes étapes et ce même si nous récupérons pendant que nos proches sont à Portage. On a parfois besoin du support d’un intervenant. Merci Guillaume d’avoir été la quand j’en ai eu besoin.

Un grand détour, pour vous dire finalement que j’ai eu beaucoup de mal à me replonger dans mes souvenirs, car j’ai oublié beaucoup de chose. C’était le seul moyen en ce qui me concerne pour garder un espoir. L’espoir que mon fils trouve son chemin, que je puisse discuter avec lui, l’espoir de le voir rire ou pleurer à nouveau, l’espoir qu’il s’inquiète un tant soit peu des gens qui l’aiment et qui ont pris soin de lui, l’espoir qu’il soit heureux, qu’il ait envie de faire des trucs a nouveaux et qu’il fasse des projets. L’espoir que cela soit juste une mauvaise passe et que le meilleur est devant nous.

Jeudi dernier mon fils lors de sa sortie m’a dit : Maman, je n’en veux plus de trouble !! Il me fait la conversation et me raconte ce qu’il vit. L’autre jour, il m’a partagé ses prises de conscience face à certains comportements de compensation. Il me parle de ses émotions, me fait des compliments. Il est motivé et a à nouveau envie de faire des projets. Il prend soin a nouveau de son apparence et il se présente et salut fièrement les gens qu’ils rencontrent.

Certains parents sont fiers de leurs enfants parce qu’ils sont professeur, médecin ou avocat, mais moi je suis fier de Mathis parce qu’il est venu à Portage et a persévéré. Il a été ouvert d’esprit et a fait preuve d’humilité pour apprendre à utiliser des outils qu’il a maintenant dans son sac à dos. Bravo Mathis pour ton courage et ta persévérance. Je t’aime.

Photo par Ver Sepasi

Rien n’arrive pour rien. On ne peut pas tout contrôler et tout à sa raison d’être qu’on ne connaît pas encore.

Pour la majorité des gens, le plus difficile est de demander de l’aide. Pour connaître vos options de traitement et savoir comment Portage peut vous aider, veuillez cliquer ici ou composer le 514-935-3431.

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