Avant d’entrer chez Portage, j’étais en danger imminent de me retrouver en prison pour possession de substances avec intention de vendre, conduite avec facultés affaiblies et possession de méthamphétamine. Je n’avais aucune intention de suivre une thérapie, jusqu’au moment où j’ai appris que je faisais l’objet d’une enquête pour trafic de substances. Du coup, entrer en thérapie, qui me semblait être la pire erreur que je puisse faire dans ma jeune vie, s’est transformé en la meilleure de toutes mes décisions.
J’étais déjà allé chez Portage à la suite d’une surdose quasi fatale, mais je suis reparti au bout d’un mois. J’étais un maître manipulateur : je savais convaincre mes parents avec d’habiles mensonges, et je m’étais même persuadé que je n’avais pas vraiment un si gros problème de consommation. Je n’avais pas besoin de Portage, du moins c’est ce que je croyais. Et pourtant, voilà que j’y retournais.
Que penseraient mes amis? Me parleraient-ils encore? Je me disais qu’il valait peut-être mieux en finir avec tout, que ce serait peut-être mieux pour tout le monde. J’avais essentiellement perdu toutes les personnes qui m’étaient chères. Et pourtant, il me restait une lueur d’espoir. J’aspirais à vivre cette vie dont j’avais rêvé : à rendre mes parents fiers de moi, à avoir des amis qui ne craindraient pas de se rapprocher de moi, à ne pas blesser les gens et à me soucier de mon bien-être.
Le premier mois a été très difficile. Je vivais avec des étrangers, je devais me réveiller tôt le matin, et je pensais à tous ces bons moments que mes amis partageaient, sans moi. Je leur avais laissé un numéro de case postale pour qu’on puisse s’écrire, pour briser mon isolement. J’avais tellement hâte d’avoir des nouvelles d’eux et des tout derniers drames, de savoir si je leur manquais. Mais je n’ai jamais reçu de lettres de leur part. Pourquoi? J’avais donné mon adresse à tous ceux que j’estimais être des amis. Cette situation est l’un des premiers défis que j’ai dû surmonter pendant mon séjour. En fait, tout ce qui leur manquait, c’était la drogue que je leur procurais. Pour eux, je n’étais que le fournisseur sans visage qui leur permettait de s’adonner à leur loisir préféré.
Me sentant délaissé, je me suis tourné vers la communauté solidaire que forment les résidents de Portage, unis par les mêmes combats. J’ai découvert la chaleureuse camaraderie d’une communauté de pairs. C’était des gens de mon âge et nous affrontions les mêmes combats, en même temps. Ils étaient là pour moi. Avec eux, je pouvais rire ou pleurer.
Puis, j’ai commencé à être fier du travail que je faisais. Avant d’aller en thérapie, l’hygiène personnelle n’était pas une priorité pour moi. Mais chez Portage, c’était primordial de bien s’habiller, de sentir bon et de se sentir bien.
La vie en communauté n’était pas sans défi. Les gens ne s’entendaient pas tous entre eux, mais en tant que membre plus ancien, c’était vraiment encourageant de voir les nouveaux résidents commencer là où j’avais moi-même commencé. C’est alors qu’on se rend compte de tout le chemin parcouru. Et c’est exaltant de venir en aide à des gens qui connaissent eux aussi les affres de la toxicomanie.
Le jour du départ, je me suis presque évanoui. Je me souviendrai à tout jamais de la joie qui illuminait le visage de mes parents durant la cérémonie des finissants. Soudainement, j’avais terminé mon programme. J’étais arrivé à bon port. Pas de prison, pas de cimetière. J’étais là. J’avais surmonté un défi qui me semblait aussi insurmontable que le châtiment de Sisyphe. La tâche impossible, la colline sans fin.
La vie est presque plus difficile maintenant que j’ai terminé le programme et que je compterai maintenant deux ans de sobriété. En réalité, c’est une toute nouvelle vie. Avec tous les défis que cela comporte. Je n’ai jamais repris contact avec mes anciens amis; j’aurais peut-être renoué avec eux s’ils m’avaient tendu la main. Mais je sais bien qu’ils essaieraient de profiter en quelque sorte de mon sentiment d’avoir désormais un but dans la vie. Je sais bien qu’ils n’ont pas changé et qu’ils vont continuer de dépérir, avec un billet de cinq dollars enroulé entre les doigts, comme je le faisais dans le passé.
On m’a offert de la drogue depuis que j’ai terminé mon programme. C’est difficile de dire non, mais c’est bien moins difficile que de compromettre tout ce pour quoi je me suis battu. Je suis maintenant une formation collégiale pour devenir conseiller en toxicomanie; il y a quelque chose de réconfortant à aider des gens qui affrontent des combats semblables aux miens. Il y a encore des moments difficiles et il y a toujours des substances pour qui veut en prendre, mais j’ai appris à être résilient.
Je n’aurais pas été en mesure de faire tout ce parcours sans l’appui de mon intervenant au dossier. Mes parents ont joué un rôle important vers la fin de mon programme, mais mon intervenant était à mes côtés quand je me sentais particulièrement seul. Je ne remercierai jamais assez le personnel de Portage.
Je me remercie moi-même d’avoir fait le pas le plus difficile de ma vie, car c’est ce pas qui m’a permis de m’épanouir pleinement. Pour la toute première fois, je me soucie vraiment de mon bien-être. Mes parents, pour qui j’étais un « monstre inapprochable » avec lequel ils étaient pris sous le même toit, sont maintenant mes meilleurs amis. En plus, je suis heureux des nouvelles relations que j’ai dans ma vie. Les choses vont bien maintenant, grâce à Portage.
À tous ceux qui ont des problèmes de consommation, comme j’en ai moi-même eu : nous savons bien que ce que nous faisons n’est pas correct. Mais il y a beaucoup de déni dans tout ça. Nous voulons de l’aide, mais nous ne savons pas par où commencer. Nous nous inquiétons des « et si ». Et si ça ne fonctionne pas? Et si c’est mon destin de vivre comme ça à tout jamais? C’est beaucoup plus facile de ne rien faire que d’agir. Mais la vie peut changer; elle n’est pas immuable. Il y a un meilleur côté de la médaille, mais nous n’y croyons pas, faute de l’avoir vu. J’encourage tous les gens comme nous à prendre le risque d’aller découvrir cet autre côté. Tout ce qu’il faut pour faire le premier pas vers le rétablissement, c’est un esprit ouvert et un pied dans la porte.
Oui, le meilleur est à venir.
Kaos, programme pour adolescents, Portage Cassidy Lake, 2023
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