Trois jeunes adolescents, de dos, font une marche en pleine nature.

04-13-2023

« Je me donne le temps.

C’est le 1er mars 2022, à bout de souffle, que je passe le pas hors de chez-moi. Derrière moi, une famille déchirée, des cannettes vides éparpillées, des bouteilles d’alcool cachées dans ma garde-robe que je voudrais lancer à la mer. Je quitte donc en laissant dans mon sillage les décombres de l’ouragan.

C’est avec mes kilos de tristesse sur le dos, le mal dans le foie et dans les poumons, ma fragilité, un certain pessimisme, ma soif intense et mon surplus de bagages que j’arrive à Portage Saint-Malachie, comme un pirate perdu en mer.

Je me retrouve projeté dans l’inconnu, entouré d’individus auxquels je ne m’identifie pas, qui parlent un langage thérapeutique que je ne comprends pas. On me parle de comportements : « Voyons ! Je n’en ai pas ! Mon seul problème, c’est la boisson ! Je ne suis pas responsable de mon malheur et de ma dérive, c’est la vie qui est impitoyable ! »

On me parle d’amour inconditionnel et de pardon pour soi : « C’est sûr qu’on rit de moi là, la vie n’a même pas mis mon âme dans le bon corps. Venez pas me dire que j’ai été créé pour m’aimer ! Tout est trop, “too much”, trop intense. Je me sens tellement mal dans ma peau. » 

On me rassure : « Laisse-toi le temps d’arriver Léo, de t’adapter. »

Ce dernier point résonne en moi. J’ai toujours été impitoyable envers moi-même, sans me laisser le temps de me connaître véritablement. Les imperfections et toutes les contradictions qui me caractérisent. J’ai réalisé que c’était beau être comme ça.

Je suis peut-être encore un peu jeune pour radoter une expression quétaine comme ça, mais le temps est vraiment le plus beau des cadeaux. Car avec ce temps, j’ai su enlever tous mes masques, toute ma peur. J’ai appris à être moi, Léo, dans toute sa splendeur et excentricité.

Autrefois seul et terrifié, j’ai aujourd’hui retrouvé ma lumière. Je n’ai pas touché à une seule goutte d’alcool depuis le début de ma démarche, depuis que j’ai goûté au bonheur et à la paix d’esprit.

Aujourd’hui je suis prêt à reprendre ma route, délivré de ma dépendance avec dans mon sac beaucoup d’outils et de l’amour à l’infini. Aujourd’hui, j’arrive à dire que je me connais et que je l’aime en maudit ce gars-là ! Aujourd’hui, j’ai des projets et des rêves plein la tête et enfin la force, la résilience, la confiance et l’acharnement pour les réaliser.

Je retourne bientôt sur les bancs d’école, je sors mes pinceaux et je me peins un avenir digne de ce nom. »

 

Léo, programme adolescents et jeunes adultes, Saint-Malachie, 2022

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