« Je suis fière de pouvoir redonner à un programme aussi merveilleux et significatif que Portage, et d’avoir des membres de la famille Portage qui me font suffisamment confiance pour les représenter en racontant mon histoire. Je n’aurais pas pu imaginer faire ça il y a quelques années, mais grâce à l’équipe de Portage, je n’ai plus peur, ni honte de dire que mon fils était toxicomane.
Je ne connaissais personne qui luttait contre la dépendance et je pensais qu’il était impossible que ma famille soit directement touchée. Nous sommes une famille privilégiée et bien éduquée, nous avons des carrières que nous aimons, une belle maison, nous redonnons à notre communauté, nous sommes des parents protecteurs, nous connaissons les amis que fréquentent nos enfants et nous sommes au courant de tout, ou du moins nous le pensions. Par exemple, nous avons toujours parlé à nos enfants des dangers de l’alcool et du tabac. Nous avons été là pour eux quand ils avaient besoin de nous, nous les avons encouragés lors des matchs de football et nous avons pleuré lors de la remise des diplômes.
Gage suivait les règles, ne prenait pas de risque et était l’enfant parfait que l’on pouvait espérer.
Tous les succès, le soutien, les expériences et l’amour n’ont pas pu sauver notre fils de la dépendance. L’amour n’était tout simplement pas suffisant. La dépendance s’est invitée silencieusement dans nos vies, et au fil du temps, elle nous a tout volé. Elle a pris notre sentiment de sécurité et notre foi ; par-dessus tout, elle a pris notre beau garçon.
Avec le recul, je réalise que je n’ai pas remarqué les signes avant-coureurs qui étaient juste devant nous. Je ne connaissais pas les drogues, et je faisais confiance à mon fils. Quand il me mentait, je le croyais. J’avais quand même des doutes, mais je les balayais du revers de la main. Probablement parce que je ne voulais pas accepter que mon fils pouvait avoir un problème.
La fin de semaine de l’Action de Grâce 2017, nous avons reçu un appel de l’Hôpital de Moncton où Gage s’était admis de lui-même. Nous nous sommes assis à côté de lui alors qu’il nous racontait qu’il consommait de la drogue depuis trois ans : de la cocaïne, aux médicaments volés de son petit frère pour le TDAH, incluant d’autres médicaments de prescription. Il avait commencé dans les toilettes de l’école et dans le vestiaire du gymnase. À l’hôpital, il en prenait quotidiennement et il savait qu’il ne pourrait pas s’arrêter. Nous sommes restés assis, choqués et incrédules, pendant que le médecin lisait le rapport de toxicologie qui dressait la liste des médicaments présents dans son organisme. Le docteur nous a dit que nous avions de la chance qu’il soit toujours en vie et qu’il avait besoin d’une aide immédiate. Nous avons quitté l’hôpital le lendemain avec des brochures d’information et des numéros de téléphone de services de santé mentale et d’autres cliniques, incluant celui de Portage.
Nos vies ont changé à jamais.
Nous avons ramené Gage à la maison, et alors qu’il était allongé dans son lit, tremblant et grelottant jour et nuit, j’ai appelé Portage. Tambrie m’a parlé du centre à Cassidy Lake et m’a dit qu’il y avait une ouverture la même semaine. Nous étions invités à faire une visite le lendemain. Lorsque nous sommes arrivés sur le site, mes jambes se sont engourdies. Nous avons été accueillis à la porte et elle a invité Gage à faire une visite avec deux résidents. Je n’ai pas pu me résoudre à l’accompagner, je ne savais pas pourquoi j’étais là, et je ne pouvais pas imaginer laisser mon fils avec des inconnus pendant six mois alors que je pensais pouvoir l’aimer suffisamment pour qu’il aille mieux.
Le 17 octobre 2017, Gage a été admis dans son premier programme de 6 mois. Nous nous sommes dit au revoir et sommes rentrés à la maison pour essayer de donner un sens à cette nouvelle vie sans lui.
J’aimerais pouvoir dire que Gage a réussi dans son premier programme, mais ce n’est pas le cas. Il a respecté les règles, et je crois sincèrement qu’il a fait le programme pour nous. Il voulait nous rendre fiers. Je pense aussi qu’une partie de lui voulait aussi changer.
La dépendance est l’une des choses les plus patientes que vous puissiez croiser. La dépendance est patiente et silencieuse, et elle est forte. Elle était bien plus forte que ce que Gage était prêt à affronter.
Il ne s’en est pas sorti du premier coup et en quelques jours, il a rechuté. Ses anciens amis et habitudes l’attendaient à bras ouverts, et la dépendance attendait patiemment qu’il rentre à la maison. En quelques mois seulement, Gage n’avait plus de travail, plus d’argent, plus d’endroits où vivre et plus d’options. Au fur et à mesure qu’il s’enfonçait dans la toxicomanie, nous sommes devenus plus forts en tant que famille. Grâce aux intervenants et au programme de soutien aux parents de Portage, nous avons appris tout ce que nous pouvions sur la toxicomanie et nous avons pris soin de nous.
Un soir, quelques mois plus tard, alors que Gage se droguait avec ses amis, il a appelé Portage et a laissé un message disant qu’il avait besoin d’aide. Même si c’était difficile pour moi de savoir qu’il allait retourner en cure de désintoxication une deuxième fois, je savais qu’il serait en sécurité, et cette fois, nous étions beaucoup plus forts en tant que famille.
Nous pourrions le faire.
Si je n’avais pas eu le groupe de soutien aux parents de Portage, je n’aurais pas pu être aussi forte que je l’ai été. Nous avons tous des histoires et des situations différentes, mais vous pouvez toujours voir des petits bouts de vous-même dans les histoires de chacun, ce qui vous permet de vous sentir moins seul. Le fait de pouvoir soutenir d’autres parents qui traversent la même chose m’a également fait du bien. Tout cela nous a préparés aux prochaines étapes du parcours thérapeutique de notre fils. Il était très utile d’avoir cet espace sécuritaire qui nous permettait de dire notre vérité et de ne pas nous sentir comme un mauvais parent. C’est un espace sans place pour le jugement, jamais. Il n’y a que de l’amour et de l’acceptation. Nous avons compati avec les autres parents et leur douleur, et parfois, nous avons même ressenti de la colère envers leurs propres enfants. Nous étions tous dans le même bateau, pas seuls. Nous avons agi comme des chearleaders les uns pour les autres.
Le 30 janvier 2018, Gage a terminé son deuxième programme. Ce jour-là, il s’est tenu devant ses confrères et tous les intervenants, les larmes aux yeux. Il était terrifié par ce que son avenir lui réservait, et il avait peur du monde extérieur. Mais, cette fois, il était humble et honnête.
Dans quelques semaines, Gage fêtera sa quatrième année de sobriété. Il est allé à l’université, il a un emploi à temps plein, il a une petite amie aimante avec qui il va bientôt emménager. C’est aussi un grand frère formidable, il a un groupe d’amis sobres et positifs, il va au gym tous les jours, il continu les rencontres postcure. Il est l’étoile qui brille dans notre famille, ce que nous n’avions pas vu depuis de nombreuses années.
Il nous embrasse chaque matin avant de partir au travail et chaque soir avant de se coucher. Il y a des jours où il nous rappelle qu’il n’est pas tout à fait là où il devrait être, mais il remercie sa famille à la maison et chez Portage de lui donner l’espoir d’un nouveau lendemain. »
- Jennifer, mère d'un jeune, programme pour adolescents, Cassidy Lake, 2018
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Perrin
Bonjour, je suis bouleversée par ce témoignage de cette maman. Je me retrouve dans ses mots et son histoire. Malheureusement, nous sommes en plein dans l’addiction et la consommation journalière de drogue concernant mon fils. Lui aussi, très brillant, n’étudie plus, plus de logement, totalement désiociabilisé, etc. Nous sommes impuissants face à cette épreuve, nous sommes seuls sans solution. Notre fils a fait ses études à Montréal et a découvert cette drogue il y a 3 ans, nous ses parents habitons en France, d’où une situation encore plus compliquée. Nous sommes perdus, inquiets, totalement anéantis… Nous recherchons de l’aide, un centre, une équipe, des conseils, tout ce qui pourrait nous aider pour sauver notre fils. MERCI !