Dans les centres de réadaptation de Portage, les résidents se voient proposer des ateliers d’art depuis de longues années. Cette activité a porté ses fruits en permettant un espace de création libre et exempt de tout jugement. J’ai rencontré Catherine, professeure d’art au centre TSTM.
Une parenthèse dans la thérapie
Le programme pour toxicomanes souffrant de problèmes de santé mentale (nouvellement ouvert aux femmes) est vraiment singulier à Portage car on y traite une double problématique. Bien souvent, les résidents ont été confrontés à l’exclusion sociale, au jugement des autres et le voyage vers la sobriété est long et semé d’embuches. Pour Catherine, professeure des ateliers d’art au sein du programme TSTM, l’art-thérapie est une parenthèse enchantée dans ce parcours.
Catherine anime les groupes d’art depuis 6 ans à Portage. Je l’ai rencontrée afin qu’elle me parle de l’impact de cette activité sur les résidents.
Elle raconte : « L’art fait partie de ma vie depuis toujours, il me permet d’avoir un équilibre personnel. J’ai étudié les arts visuels, puis la psychologie et enfin l’intervention psychosociale. Les trois sont liés selon moi. Je suis entrée à Portage dans le cadre d’un stage d’études et je ne suis jamais partie. »
La thérapie à Portage encourage les résidents à ressentir le moment présent afin d’identifier les sentiments et les comportements qui entrainent la consommation de substances. En groupe ils s’explorent et ensemble ils s’entraident à surmonter ces sentiments. Pour la professeure d’art, les deux heures par semaine de création sont des moments de détente et d’expressions libres essentielles autant que le sport ou la lecture. Elle dit : « Je commence par un tour de table afin que tout le monde puisse s’exprimer sur leur état du moment (sentiment, niveau d’énergie). Parfois c’est très structuré, d’autres fois je ne leur donne que les outils pour créer. Je mets une musique afin de créer un espace de détente, une ambiance qui permet la création. La musique est un vrai allié! À la fin, on fait un tour de table pour discuter ensemble des œuvres créées et du ressenti de chacun. À chaque séance, un intervenant en toxicomanie est présent et il participe. Cela permet, je crois, de créer un lien supplémentaire entre eux.»
Reprendre le pouvoir
Catherine explique quel objectif elle poursuit au travers de ses ateliers : « Dans les ateliers art, il y a une intention thérapeutique saine. Ici, au TSTM, les résidents sont extrêmement créatifs et valorisent beaucoup l’expression. Je crois que cela s’explique du fait que souvent ce sont des personnes qui ont été marginalisées par la société que ce soit à cause de leur consommation ou de par leurs problèmes de santé mentale. Je porte une attention toute particulière aux personnes marginales car un « artiste » est toujours un peu en dehors des normes. J’aime cela au TSTM. »
Les ateliers d’arts semblent ainsi une sorte d’exutoire afin d’exprimer des choses par le travail et se sentir valorisé pour ce travail. L’estime de soi est un des piliers du parcours thérapeutique à Portage. La professeure semble convaincue du bien-fondé des ateliers pour les résidents : « Je crois qu’être en contact avec la matière et revenir au geste a un effet thérapeutique bénéfique. Créer quelque chose permet de reprendre le pouvoir! ».
Des projets plein le centre
Catherine, qui me recevait alors dans son atelier me montra, non sans fierté, les œuvres créées durant ses cours. La salle de l’art-thérapie regorge de petits trésors concoctés par les résidents eux-mêmes. On y trouve des toiles de portraits, des natures mortes ou encore des tableaux totalement abstraits qui dégagent une certaine force. La grande et longue table est recouverte d’une nappe qui porte sur elle les marques des heures de travail. Tout y est pensé pour que l’environnement soit totalement sécuritaire et propice à la création. « Inclusif et pas de performance sont mes maîtres mots! » dit la professeure.
Les projets ne manquent pas au TSTM. Les immenses toiles peintes en extérieur à la manière de Jackson Pollock et les sculptures de plâtre peintes décorent l’espace. Pour chaque événement, la professeure met à contribution ses élèves de circonstance pour un projet en lien. Lors de la fête de la métamorphose cette année, ces derniers ont construit une installation dans l’espace du centre représentant le cheminement d’un papillon, de la chrysalide à l’envol. Des pas s’en allaient de-ci de-là dans tout le centre, se transformant petit à petit en papillon haut en couleurs. Ces pas ont été confectionnés grâce aux travaux d’anciens résidents, mis en commun comme pour représenter l’apport que chaque personne qui passe à Portage peut amener au prochain. Une belle métaphore de la vie.
Thomas Benilan
SUZANNE LABERGE
WoW 😮! Que c’est rafraîchissant de lire cet article. Je crois sincèrement que tous les résidents devraient pouvoir bénéficier de cet art-thérapie.
Lynda
Excellent article. Beau témoignage d’une professeure toute faite pour ce travail et qui adore ce qu’elle fait. Tous sont gagnants lorsque les planètes s’alignent de cette manière.